Pour une Déclaration des droits et responsabilités de l’Humain à l’ère numérique ?

Proposition libre par un collectif de citoyens.


Il y a plus de deux siècles, une poignée d’hommes, représentants du peuple Français, composait la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Définissant des droits « naturels et imprescriptibles », tels que la liberté, la propriété, la sûreté ou la résistance à l’oppression, elle ne cessera de servir de référence en nos frontières et de source d’inspiration dans le monde. En 1948, alors que l’Humanité sortait à peine de la seconde guerre mondiale, la jeune Organisation des Nations Unies élaborait ainsi sur le modèle de la déclaration originelle de 1789 un texte à visée explicitement transnationale : la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, élément fondamental pour toute démocratie, aujourd’hui traduite dans plus de 500 langues.

En 2022, une poignée nouvelle de femmes et d’hommes, réunie dans le collectif spontané et partageant un même questionnement sur la place du numérique dans nos vies, propose de relire le texte fondateur de 1789 pour identifier les nouveaux principes à incorporer à nos organisations humaines pour répondre aux défis de notre époque. Le numérique engendre en effet une mutation civilisationnelle certainement aussi importante que celle ayant suivi l’apparition de l’écriture il y a plus de 5000 ans, tant il modifie structurellement notre façon d’échanger et d’interagir.

A l’heure où deux orientations se dessinent principalement sous nos yeux et avec nous, l’une privilégiant un numérique au service du pouvoir de contrôle des individus quand l’autre l’élève au service du pouvoir de l’argent, deux axes pouvant d’ailleurs cohabiter, il apparait opportun de s’interroger sur une troisième voie qui consacrerait le numérique au service de l’humain, un humain éclairé et responsable, mieux formé et informé, en harmonie avec ses milieux et leurs équilibres vitaux.

La refonte actuelle de nos sociétés interdépendantes nécessite de réactualiser les principes simples et incontestables dont nous héritons, d’en retrouver l’esprit de liberté et de tolérance pour l’adapter aux nouveaux temps.

L’objet de cette proposition est donc, à partir d’une relecture du texte fondateur, de faire émerger sous forme de principes les éléments de changement structurel nécessaire à fonder une société numérique qui soit synonyme d’un progrès humain nous préservant de l’asservissement et de l’appauvrissement. La nécessité de revitaliser les principes d’intégrité du Vivant, de subjectivité et de subsidiarité, la conscience collective des risques d’une Intelligence Artificielle prédominante, et notre attachement à la promotion d’un réel Bien Commun, irriguent la relecture proposée des 17 articles qui nous accompagnent depuis le XVIIIème siècle.

Préambule

Des citoyens unis et indépendants, convaincus que la révolution technique et numérique est à la fois une source de progrès mais également génératrice de nouveaux risques pour l’humanité, décident d’apporter une lecture moderne à la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 pour en préserver l’esprit libérateur qu’il a été dans le monde.

Issu de cette relecture, ces citoyens posent trois principes fondamentaux pour un contrat social au service de la liberté, de l’égalité et de la fraternité :

  1. Le principe de Consubstantialité de l’humain et de la donnée :
    Associer la donnée numérique, quel qu’en soit sa source, à la nature humaine est fondamental pour éviter que l’humain ne soit transformé en objet marchand au service de la machine à gouverner économique. La donnée est donc considérée comme consubstantielle à l’être humain. Elle est le prolongement des sens, de l’intelligence et de la raison, ainsi que de l’action humaine. Par conséquent, le traitement éthique, technique et économique de la donnée par des tiers se fonde strictement sur le respect des droits fondamentaux de l’humain, dans le respect de l’intérêt général.
  2. Le Principe de Subjectivité dans le processus de décision :
    La prééminence de la pensée et de la compréhension humaine sur le calcul machine est un prérequis à tout processus décisionnel. Les décisions ou prescriptions provenant de machines ne font pas autorité et doivent pouvoir être systématiquement contextualisées et validées au final par une intervention humaine dans le cadre d’institutions légitimes à créer. Cela sous-entend la transparence et l’explication de l’intentionnalité des objets numériques et des algorithmes (IA) générés à partir du code informatique.
  3. Le Principe de Subsidiarité de la gouvernance des données :
    Tout individu ou organisation humaine est par essence propriétaire de ses données personnelles. Sur cette base, tout processus d’exploitation ou de délégation de la donnée respecte un modèle de décision ascendant impliquant en premier lieu l’entité à l’origine de la donnée. Cela sous-entend que, dans la chaîne logistique de la donnée comportant un producteur, un distributeur et un utilisateur, le producteur soit toujours associé à sa diffusion et à son utilisation. Le traitement éthique, technique et économique de la donnée personnelle par des tiers devra se fonder strictement sur le respect des droits fondamentaux de l’humain, dans le respect de l’intérêt général. Cela sous-entend également le droit à la connexion et à la déconnexion ainsi que le droit à la suppression des données dans le respect de l’intérêt général défini par la constitution. Si la donnée doit être considérée comme un Bien Commun, le principe de subsidiarité doit toujours prévaloir.

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Ces trois principes font l’objet d’un code universel du numérique en déterminant les limites de ses usages dans le respect des principes fondamentaux de la loi du monde physique.

Fort de ces 3 principes fondamentaux, nous affirmons les articles suivants :

01
Article 1er
Les « Êtres Humains » sans exception naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les données numériques sont le prolongement des êtres humains et leur traitement par des tiers ne peut être fondé que sur le respect de leurs droits fondamentaux, dans l’intérêt général.
02
Article 2
Le but de toute association politique ou économique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Humain, en respect des équilibres physiologiques, sociaux et environnementaux. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, l’intégrité du corps humain, l’accès et la déconnexion au numérique et la résistance à l’oppression.
03
Article 3
Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans l’état de droit. Nulle entité, nul individu, nul système informatique ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. L’humain est souverain sur son identité y compris numérique, sur l’usage de ses données et sur son droit à l’autodétermination informationnelle.
04
Article 4
La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, à l’environnement et au vivant : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque humain n’a de bornes que celles qui assurent aux autres humains et autres entités la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi. Les décisions ou prescriptions provenant de machines ne font pas autorité.
05
Article 5
La Loi n’a le droit d’interdire que les actions nuisibles à la société, à l’essence de tout être humain incluant son prolongement dans l’univers numérique, à l’environnement et au vivant. Tout ce qui n’est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas.
06
Article 6
La Loi est l’expression de la volonté générale et du (consensus) démocratique. Tous les humains ont droit de concourir personnellement ou par leurs représentants à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les humains, étant égaux aux yeux de la loi, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.
6b
Article 6bis
Le numérique est régi par un code universel qui détermine les limites de ses usages dans le respect des principes fondamentaux de la Loi. Tout être humain a le droit de détermination et d’information claire, loyale et transparente sur les modalités d’utilisation de son identité et de ses données numériques. Aucune entité ne peut agir à l’encontre de ces principes.
6t
Article 6ter
Le recours aux machines dans les processus de décision doit intégrer des dispositifs explicites et compréhensibles de consentement systématique et l’existence obligatoire d’un pouvoir de recours effectif (en opposition).
07
Article 7
Nul « Être Humain » ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi des Hommes, et selon les formes qu’elle a prescrites. Tout « Être Humain » ne peut être accusé, arrêté ni détenu que sur seule décision humaine et non “algorithmique“, y compris si cet algorithme se fonde en tout ou partie sur l’analyse des décisions passées​​. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout « Être Humain » appelé ou saisi en vertu de la Loi doit obéir à l’instant : il se rend coupable par la résistance.
08
Article 8
La Loi ne doit établir que des peines proportionnées strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une Loi établie par des Êtres Humains et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.
09
Article 9
Toute femme ou tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable par la justice des « Êtres Humains », s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.
10
Article 10
Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même scientifiques ou religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi. Toute entité qui utilise les technologies numériques doit garantir qu’elles n’ont pas d’impact discriminatoire sur des groupes particuliers.
11
Article 11
La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Être Humain : tout Humain peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. Nulle entité qui utilise les technologies numériques ne peut porter atteinte à la capacité de l’Être Humain d’exercer sa liberté de pensée, d’opinion et d’action sans son consentement éclairé explicite. Elle doit garantir l’intégrité humaine par la neutralité.
12
Article 12
La garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique composée, exercée et dirigée par des Êtres Humains : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.
13
Article 13
Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.
14
Article 14
Tous les Humains ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée.
15
Article 15
La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration. La force publique doit s’assurer que les technologies numériques n’aggravent pas les inégalités existantes.
16
Article 16
Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. Les Droits régissant le monde numérique ne peuvent en aucun cas être différents de ceux régissant l’univers physique. Le lien entre ces deux univers doit respecter cette règle universelle que rajoute cette dernière phrase.
17
Article 17
La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité.
17b
Article 17bis.
L’usage de biens mis en commun, matériels ou immatériels, partagés de manière ponctuelle ou permanente comme un espace, un terrain, un équipement, une infrastructure, une ressource, un savoir, un brevet ou encore une donnée est un droit complémentaire indissociable à celui de la propriété. Sa traçabilité numérique doit répondre aux règles éthiques portées par la constitution relative au respect de la liberté individuelle et en regard du « Bien Commun ». Aussi bien le droit à la propriété que le droit d’usage doivent respecter le « Bien Commun » défini par la constitution.

Lyon, le 14 mars 2023.

 

Ont contribué à la rédaction de ce texte :

  • Arnaud BILLON / Chercheur chez IBM en éthique de l’informatique
  • Geneviève BOUCHE / Futurologue Cybernéticienne et présidente ATENA
  • Richard COLLIN / Délégué Général Les Transitionneurs
  • Philippe DENIS / Directeur Stratégie & Développement compagnie de Théâtre Aziade et Chief Anticipation Officer Near & Far
  • Stéphanie FLACHER / Co-fondatrice LOGION blockchain network
  • Emmanuel FRANCOIS / Président Fond MAJ
  • Casey JOLY / Avocat Spécialiste Propriété Intellectuelle, Gérant Associé Cabinet IpSO.
  • Alain KERGOAT / Associé Urban Practices
  • Aurélie LUTTRIN / Spécialiste souveraineté numérique et performance des politiques territoriales Fondatrice du Cabinet Eokosmo
  • Francis MASSE / Ancien Haut-Fonctionnaire et Président de MDN Consultants
  • Emmanuel OLIVIER / Président UBIANT
  • Henry SCHWARTZ / Juriste consultant spécialisé en stratégies territoriales
  • Jennifer VERNEY / Présidente VERNSTHER


Les 1ers co-signataires :

  • Khaled AL MEZAYEN / Président Inovaya
  • Elie AUVRAY / Co-fondateur de logion blockchain network, expert open source
  • Gilles BERHAULT / DG de Stop Exclusion Energétique
  • Christophe BESSON LEAUD / Président Alliance Sens & Économie
  • Karin BORAS / Auteur
  • Geneviève BOUCHE / Futurologue Cybernéticienne et présidente ATENA
  • Laurent BOUILLOT / Président SIRADEL
  • Ruben BOUHNIK / Responsable Développement Square Sense
  • Thierry CHAMBON / Président Energisme
  • Richard COLLIN / Délégué Général Les Transitionneurs
  • Jean-Pierre CORNIOU / Consultant, président Agile.IT, co-président Institut de l’Iconomie
  • Benjamin COLBOC / Chef de Projet – Green Systèmes
  • Jean Roch COUSINIER / Président KLOUD’ICI
  • Xavier DALLOZ / Xavier DALLOZ Consulting
  • Eric DARGENT / Expert Agriculture Urbaine – Directeur Mycelium
  • Isabelle DELANNOY / Ecrivain  et  Présidente Do Green Economie Symbiotique
  • Emmanuel DUFRASNE / Professeur à Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Strasbourg.
  • Joëlle DURIEUX / Présidente du Lead Tech Club 101
  • Silvio D’ASCIA / Architecte Urbanisme
  • Domenico di CANOSA / CEO J2INN Italia
  • Ella ETIENNE / Présidente Green Soluce
  • Casey JOLY, avocat Spécialiste Propriété Intellectuelle, Gérant Associé Cabinet IpSO.
  • Stéphanie FLACHER / Co-fondatrice LOGION blockchain network
  • Yann Le Floch / Digital Money Maker
  • Alexandra FRANCOIS CUXAC / Présidente AFC Promotion
  • Emmanuel FRANCOIS / Président fond de dotation MAJ
  • Alain GARNIER / Président Jamespot et président de Eiffel Power
  • Patrick GIELEN / Huissier de justice (Bruxelles) et secrétaire général de l’UIHJ
  • Pascal HUREAU / Adjoint au Maire en charge du numérique – Ville de Montrouge
  • Leonidas KALOGEROPOULOS / Président Entrepreneurs pour la République
  • Alain KERGOAT / Directeur Général / Urban Practices
  • Dominique LE BOURSE / Président PoE TIC
  • André Charles LEGENDRE / Président KALIMA DB
  • Yann LE MOEL/ Pufferfishpartner
  • Jérémi LEPETIT / Entrepreneur, fondateur de la solution de paiement Retreeb
  • Francis MASSE / Ancien Haut Fonctionnaire et Président de MDN Consultants
  • Isabelle MATHE / Citoyenne
  • Matthieu MERCHADOU MELKI / Président de la Florida Blockchain Fondation et Président Magma
  • Pierre METIVIER / Expert Numérique et IoT
  • Pierre NOUGUE / Président Ecosys et Président Reporters d’Espoirs
  • Emmanuel OLIVIER / Président UBIANT
  • Pierre-Marie PACAUD / Citoyen
  • Patrick PONTHIER / consultant, PoMConsulting, et ancien délégué général de l’AIMCC
  • Nathalie PILHES / Vice-Présidente de l’institut EUCLID
  • Raphaël ROSSELLO / Banquier d’affaires, Invest Corporate Finance
  • Laurent SCHMITT / Président Europe DCBEL Energy
  • Eric SEUILLET / Président La fabrique du Futur
  • Bernard SOULEZ / Advisor à Tech4What
  • Jean-Patrick TEYSSAIRE / Président Electric Road
  • Dominique VALENTIN : Président de Relais d’Entreprises et CEO de Vivrovert
  • Jean-Marc VAUGUIER / Président Z#BRE
  • Jennifer VERNEY / Présidente VERNSTHER
  • Michel Volle / Co-président institut de l’Iconomi

Si vous aussi vous vous reconnaissez dans ces principes fondamentaux, si vous souhaitez co-signer ce document ou simplement en savoir plus, contactez-nous !